dimanche 4 octobre 2015

Entreprise: comprendre la "génération Y"

Marie-Françoise Damesin Headshot


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Au cours du Women's Forum, qui s'est tenu à Deauville la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de présider un débat sur la génération Y. En tant que DRH du Groupe Renault (130 000 personnes dans 38 pays) et en tant que mère de trois enfants, je suis particulièrement curieuse de comprendre les attentes spécifiques de cette génération, en tant que salariés et en tant que clients.
Tout le monde a pu lire ou entendre çà et là quelques clichés sur la génération Y, décrite comme individualiste, impatiente, indisciplinée, vivant presque exclusivement à travers des réseaux numériques et collée à son smartphone. On en conclut un peu trop rapidement que cette génération est repliée sur elle-même, impossible à manager, peu engagée dans le travail et pessimiste dans sa vision de l'avenir.
Des enquêtes approfondies et les échanges directs avec cette jeune génération apportent un éclairage assez différent sur cette classe d'âge (entre 20 et 32 ans), née dans l'ère du numérique et de la mondialisation.
Plutôt qu'individualiste et égoïste, la génération Y serait humaniste, dans le sens où elle place l'humain au cœur de toute chose. Plutôt que désintéressée par le business, elle réclame un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, avec une approche moins matérialiste de la réussite. Le bonheur est le premier de ses objectifs. Le succès professionnel n'est plus un objectif en soi mais un moyen, parmi d'autres, pour y parvenir. Enfin, plutôt qu'une génération sourde aux conseils de ses aînés, elle se montre avide d'apprendre tout au long de la vie, tout particulièrement à travers des modes collaboratifs.
Finalement, cette génération exprime ouvertement des attentes que tout le monde partage sans jamais avoir osé le dire. Et je vois davantage de caractéristiques qui sont des atouts pour l'entreprise que d'aspects incompatibles avec le monde du business : l'importance du réseau et la capacité à dépasser les frontières fonctionnelles et géographiques, la faculté de remettre en question et de challenger, la flexibilité, la mobilité, l'ouverture sur le monde - leur village -, l'autonomie, la créativité...
En tant que salariés, leur approche de l'entreprise est différente et peut déstabiliser les modèles établis et les pratiques en cours. Ils ne rentrent pas dans une entreprise pour y faire carrière, comme leurs parents, mais pour optimiser leur expérience professionnelle, étendre leur réseau et développer leurs compétences. Cela ne signifie pas qu'ils soient moins engagés pour autant.

Ils s'engagent avec force sur des missions, autour d'objectifs concrets, avec un esprit d'équipe solide, mais sont bien moins sensibles à la culture d'entreprise, aux statuts, à la hiérarchie. Un poste est une étape dans leur développement personnel, dans un monde où les opportunités sont sans limite et l'accès à l'information et à la connaissance quasiment infini.

Changer de poste, de secteur ou de pays demain ne leur pose pas de problème. Ce qui fera la différence, selon eux, ce sont les qualités humaines. Ceci révèle une vision lucide, pragmatique et multidimensionnelle de l'avenir.

La balle est maintenant dans le camp des entreprises : comment s'adapter à leurs attentes et à leur mode de travail ? Comment répondre à leurs revendications : davantage de fluidité et de transversalité, des organisations moins pyramidales et plus réticulaires ?

En tant que clients, les enquêtes montrent que l'automobile reste un objet attractif à leurs yeux, un symbole de liberté et un puissant vecteur de l'image de soi. En revanche, la génération Y entretiendrait un rapport différent à la voiture, en tous cas sur les marchés matures. 
Les jeunes ne la verraient plus comme un objet de possession exclusive et un moyen unique de mobilité. Pour eux, la voiture serait avant tout un moyen de se déplacer, qui peut être partagé et utilisé alternativement avec d'autres moyens de locomotion. 
On note également une plus grande sensibilité à des aspects immatériels comme les valeurs portées par la marque, le design, la vie à bord, l'expérience de conduite, la connectivité ou le respect de l'environnement. 
Les paramètres techniques, que les passionnés d'automobile connaissaient par cœur à une autre époque, sont aujourd'hui relégués au second rang. Cette nouvelle approche de la voiture a bien sûr un impact très important sur notre manière de concevoir nos produits et services.
Chaque génération est à la fois modelée par le monde dans lequel elle arrive et remet en cause ses modèles. La génération Y semble le faire sans éclat mais d'une manière étonnamment décomplexée.
Loin d'exprimer une distance désillusionnée ou un désenchantement, je crois que cela révèle une volonté profonde de rendre le progrès continu et la croissance durable, à travers la recherche de sens, de plus de cohérence entre actions et valeurs, de plus d'équilibre entre vies professionnelle et privée. Il me semble que cette génération a beaucoup à nous apporter.

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