lundi 5 octobre 2015

Le pic speech ou le parle images le nouveau langage des adolescents

L’image, nouveau langage des ados

Le Monde.fr |  • Mis à jour le 
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L'image conversationnelle chère aux ados vise à entretenir le lien et susciter une réaction. | Thu Trinh-Bouvier

Les adolescents ont développé un langage qui leur est propre et qui présente l’avantage de les rendre incompréhensibles des adultes. Ils communiquent en images. Dans Parlez-vous Pic speech ?(Editions Kawa), publié fin janvier, Thu Trinh-Bouvier, spécialiste de la communication digitale, responsable nouveaux média chez Vivendi, décrypte ce phénomène, offrant un précieux sous-titrage aux parents.
Vous expliquez que les jeunes gens nés depuis 1995, donc avec Internet, et connectés en permanence via leur téléphone portable, ont développé une nouvelle langue. En quoi consiste-t-elle ?
Les ados manient désormais une langue particulière que j’appelle le pic speech (pour picture speech), un langage des images au sens large, qu’on pourrait aussi appeler « Parlimage ». C’est un mélange d’écrit et d’images. Ils échangent des textos bourrés de signes cabalistiques, les émoticônes, qui symbolisent visuellement leurs émotions. Mais aussi des photos avec texte et dessins associés, parfois tracés au doigt sur l’écran tactile. Ou encore des vidéos très courtes et des gifs, ces images animées. Tout cela grâce à Snapchat, Instagram ou Vine, les applications de leurs téléphones mobiles.
Le smartphone, dont ils sont massivement équipés, est devenu pour eux l’équivalent du stylo. Leur activité préférée, après l’échange de SMS, consiste à prendre des photos et à les partager. C’est une déferlante. Ils délaissent Facebook au profit des réseaux sociaux et messageries instantanées dédiés à l’échange de ces images. La messagerie instantanée Snapchat est leur temple, celui de la cultureLOL : ils s’y mettent en scène, manient l’humour potache, tout est permis. Certains ados envoient des dizaines de Snapchat par jour. Ils photographient et postent tout, tout le temps, comme ils respirent. Ils sortent de chez eux, photographient leurs pieds qui marchent dans la rue. Et postent : « Je vais m’acheter un croissant et je te retrouve après. »

Sur le réseau social Instagram, ils se mettent davantage en valeur à travers des selfies retouchés à l’aide de filtres. C’est la vitrine léchée d’un monde joyeux et esthétisant. C’est également le lieu des déclarations d’amitié et d’amour. Et dans leurs textos, ils placent toujours des émoticônes, tirés de bibliothèques toujours plus étoffées. Ces petits dessins fournissent une clé de lecture du message, ils l’enveloppent, lui donnent de l’affect. Un SMS sans émoticône est perçu comme violent, comme s’il y avait une tension, que la personne était contrariée. Si jamais, en plus, il y a un point à la fin de la phrase, c’est que le problème est grave !

Mélange de photos, d'émoticônes, de texte et de dessin : le langage des ados sur les réseaux est plus créatif qu'on le pense. | Thu Trinh-Bouvier
Pourquoi ce recours massif aux images dans l’expression des ados ?
Il y a bien sûr la facilité de l’outil, le smartphone, qu’ils ont toujours à la main, qui renferme tout leur univers et qui permet de prendre des photos. Cette génération baigne, depuis sa naissance, dans la culture de l’image. Elle a pu photographier très facilement dès son plus jeune âge. C’est donc devenu un mode d’expression spontané, naturel, massif, qui structure son rapport au monde.
Certains ados prennent même des photos qui ne sont pas destinées à être montrées mais nourrissent leur dialogue intérieur, comme ils écriraient un journal intime. Pour eux, l’image est ce qu’il y a de plus approprié pour exprimer un état émotionnel. Et elle intensifie le rapport aux autres. Nous, nous passions des heures au téléphone en rentrant du lycée, eux gardent le lien en envoyant des photos. Une façon de prendre la parole à la première personne, de signifier leur présence à l’autre.
C’est pour eux le mode d’expression le plus efficace parce qu’ils ont cette culture commune. La teneur émotionnelle du message sera immédiatement comprise par le destinataire. Les ados n’écrivent jamais « J’ai passé mon aprem à faire du volleyavec les copains », ils envoient un selfie d’eux au milieu de ces copains et du terrain. C’est plus facile et plus ludique. C’est de l’image conversationnelle qui est là avant tout pour entretenir le lien et susciter une réaction. Dans un second temps seulement, elle joue sa fonction de garant du souvenir.
Est-ce que le « pic speech », comme le « verlan » d’antan, permet de se distinguer des aînés ?
Oui, bien-sûr, les ados ont inventé une langue qui leur est propre, qui leur permet d’échapper au contrôle des adultes et d’affirmer leur appartenance à un groupe. Sur Facebook, où ils savent que les adultes vont, ils mettent peu de photos en ligne ou alors uniquement pour leur groupe d’amis. S’ils se déplacent vers Snapchat ou Instagram, c’est bien parce que c’est là que se trouve leur territoire, leur bulle. Ils sont par exemple passés maîtres dans l’art de conserver (« screener ») les images éphémères.
Les parents ne comprennent rien à cette culture LOL, à ces messages remplis d’émoticônes. C’est un langage plus complexe qu’il n’y paraît, avec énormément de règles implicites, qui nécessite un apprentissage et évolue du collège au lycée. Il est aussi bien plus créatif qu’on le pense. Sur Snapchat, certains ados sont capables de raconter une histoire à travers une succession de photos, comme dans un diaporama. Quand ils parlent, quand ils écrivent, les profs, les parents leur disent « On ne dit pas ça, on n’écrit pas ça ». Là, ils ont une page blanche, un espace de liberté, qui plus est de dimension mondiale.

dimanche 4 octobre 2015

Entreprise: comprendre la "génération Y"

Marie-Françoise Damesin Headshot


Sources ici
Au cours du Women's Forum, qui s'est tenu à Deauville la semaine dernière, j'ai eu l'occasion de présider un débat sur la génération Y. En tant que DRH du Groupe Renault (130 000 personnes dans 38 pays) et en tant que mère de trois enfants, je suis particulièrement curieuse de comprendre les attentes spécifiques de cette génération, en tant que salariés et en tant que clients.
Tout le monde a pu lire ou entendre çà et là quelques clichés sur la génération Y, décrite comme individualiste, impatiente, indisciplinée, vivant presque exclusivement à travers des réseaux numériques et collée à son smartphone. On en conclut un peu trop rapidement que cette génération est repliée sur elle-même, impossible à manager, peu engagée dans le travail et pessimiste dans sa vision de l'avenir.
Des enquêtes approfondies et les échanges directs avec cette jeune génération apportent un éclairage assez différent sur cette classe d'âge (entre 20 et 32 ans), née dans l'ère du numérique et de la mondialisation.
Plutôt qu'individualiste et égoïste, la génération Y serait humaniste, dans le sens où elle place l'humain au cœur de toute chose. Plutôt que désintéressée par le business, elle réclame un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, avec une approche moins matérialiste de la réussite. Le bonheur est le premier de ses objectifs. Le succès professionnel n'est plus un objectif en soi mais un moyen, parmi d'autres, pour y parvenir. Enfin, plutôt qu'une génération sourde aux conseils de ses aînés, elle se montre avide d'apprendre tout au long de la vie, tout particulièrement à travers des modes collaboratifs.
Finalement, cette génération exprime ouvertement des attentes que tout le monde partage sans jamais avoir osé le dire. Et je vois davantage de caractéristiques qui sont des atouts pour l'entreprise que d'aspects incompatibles avec le monde du business : l'importance du réseau et la capacité à dépasser les frontières fonctionnelles et géographiques, la faculté de remettre en question et de challenger, la flexibilité, la mobilité, l'ouverture sur le monde - leur village -, l'autonomie, la créativité...
En tant que salariés, leur approche de l'entreprise est différente et peut déstabiliser les modèles établis et les pratiques en cours. Ils ne rentrent pas dans une entreprise pour y faire carrière, comme leurs parents, mais pour optimiser leur expérience professionnelle, étendre leur réseau et développer leurs compétences. Cela ne signifie pas qu'ils soient moins engagés pour autant.

Ils s'engagent avec force sur des missions, autour d'objectifs concrets, avec un esprit d'équipe solide, mais sont bien moins sensibles à la culture d'entreprise, aux statuts, à la hiérarchie. Un poste est une étape dans leur développement personnel, dans un monde où les opportunités sont sans limite et l'accès à l'information et à la connaissance quasiment infini.

Changer de poste, de secteur ou de pays demain ne leur pose pas de problème. Ce qui fera la différence, selon eux, ce sont les qualités humaines. Ceci révèle une vision lucide, pragmatique et multidimensionnelle de l'avenir.

La balle est maintenant dans le camp des entreprises : comment s'adapter à leurs attentes et à leur mode de travail ? Comment répondre à leurs revendications : davantage de fluidité et de transversalité, des organisations moins pyramidales et plus réticulaires ?

En tant que clients, les enquêtes montrent que l'automobile reste un objet attractif à leurs yeux, un symbole de liberté et un puissant vecteur de l'image de soi. En revanche, la génération Y entretiendrait un rapport différent à la voiture, en tous cas sur les marchés matures. 
Les jeunes ne la verraient plus comme un objet de possession exclusive et un moyen unique de mobilité. Pour eux, la voiture serait avant tout un moyen de se déplacer, qui peut être partagé et utilisé alternativement avec d'autres moyens de locomotion. 
On note également une plus grande sensibilité à des aspects immatériels comme les valeurs portées par la marque, le design, la vie à bord, l'expérience de conduite, la connectivité ou le respect de l'environnement. 
Les paramètres techniques, que les passionnés d'automobile connaissaient par cœur à une autre époque, sont aujourd'hui relégués au second rang. Cette nouvelle approche de la voiture a bien sûr un impact très important sur notre manière de concevoir nos produits et services.
Chaque génération est à la fois modelée par le monde dans lequel elle arrive et remet en cause ses modèles. La génération Y semble le faire sans éclat mais d'une manière étonnamment décomplexée.
Loin d'exprimer une distance désillusionnée ou un désenchantement, je crois que cela révèle une volonté profonde de rendre le progrès continu et la croissance durable, à travers la recherche de sens, de plus de cohérence entre actions et valeurs, de plus d'équilibre entre vies professionnelle et privée. Il me semble que cette génération a beaucoup à nous apporter.

Le rapport ambigu de la génération Y au numérique

Ingrid Nappi-Choulet Headshot


Sources ici
Professeur-chercheur à l'ESSEC, titulaire de la Chaire Immobilier et Développement Durable
TECHNO - Le digital a désormais envahi nos vies. Nous utilisons nos outils numériques non seulement pour communiquer, mais aussi pour travailler, consommer, nous déplacer, nous divertir etc. Qui peut désormais se passer de son smartphone, connecté aux réseaux sociaux les plus variés? Diverses études affirment que leurs propriétaires les consulteraient entre 150 et 220 fois par jour! Naturellement, la génération Y serait la première concernée par cette addiction croissante, de surcroit les étudiants qui sont amené à travailler en groupe et en réseaux.
Nous avons voulu analyser comment la génération "Petite Poucette" chère à Michel Serres, tout particulièrement les étudiants, imaginent en conséquence leur vie dans la ville de demain. La nouvelle étude de la Chaire Immobilier et Développement Durable de l'ESSECVille & Numérique, comment les étudiants français voient leur vie dans la ville de demain, amène justement à relativiser ces idées couramment admises. Et la réserve dont font état les étudiants vis-à-vis du numérique n'est pas le moindre de ces paradoxes. Inattendue de la part d'une génération volontiers décrite comme hyperconnectée, cette réserve est à même d'interpeler aussi bien les grands opérateurs de télécommunication que les adeptes de la smart city, pour lesquels la ville de demain ne saurait être que celle du quotidien à distance et de la fameuse big data.
Certes, les étudiants sont bien obligés d'admettre l'omniprésence du numérique: ils sont 61% à penser que, demain, ce dernier impactera fortement le travail, 50% les façons de se déplacer et 48% les modes de consommation. Toutefois, leur réserve est manifeste à plus d'un titre. D'abord, 58% d'entre eux sont opposés à l'usage de la géolocalisation pour se voir proposer des offres commerciales. Ce chiffre grimpe à 78% s'agissant d'utiliser le contenu des conversations mails pour se voir proposer des offres en rapport avec leurs centres d'intérêts.
Autre exemple : alors que l'on estime généralement que l'un et l'autre vont exploser dans les années à venir, ni le télétravail ni l'e-consommation ne remportent leurs suffrages: seuls 11% estiment qu'ils travailleront principalement à distance, et seuls 22% souhaitent faire leurs achats par Internet dans un avenir proche. Enfin, une écrasante majorité (77%) d'entre eux considère que le numérique est trop présent dans le quotidien des personnes de leur génération. Ils sont en revanche minoritaires (47%) à estimer qu'il est trop présent dans leur propre vie etc. Les étudiants se révèlent ainsi convaincus que le numérique a envahi la vie des jeunes Français, mais qu'eux-mêmes sont parvenus à en faire un usage raisonné et à maintenir une distance salutaire avec cet avatar équivoque de la modernité.
Deuxième enseignement majeur de notre étude: l'attrait qu'exerceraient les grandes villes sur une large majorité de la jeune génération, du fait de son dynamisme, de la diversité de leurs aménités et de l'étendue de leurs marchés de l'emploi. Or, l'étude de la Chaire invite à nuancer fortement cette idée : la grande ville a certes la préférence de 39% des étudiants comme lieu de vie futur, mais elle est talonnée par les villes moyennes et petites qui sont privilégiées par 36% d'entre eux.
Ce retour en grâce de la ville moyenne voire petite ne va pas sans poser des questions en termes numériques: quelle connectivité de ces espaces urbains intermédiaires? L'éloignement des grands bassins d'emplois implique-t-il une croissance massive du télétravail? Autant de conditions, semble-t-il, pour que ces espaces urbains intermédiaires offrent la qualité de vie qu'on leur prête. Ce résultat soulève de réelles interrogations en termes d'aménagement du territoire.
Cette attractivité des villes de taille moyenne va de pair avec un attrait massif pour les centres-villes, que ce soit comme lieu de travail (47% souhaitent y travailler) ou comme lieu de consommation (53% souhaitent y faire leurs achats). Bien loin d'un certain mode de vie dont le couple pavillon-centre commercial serait un symbole bien ancré, la vie idéale des étudiants consisterait ainsi à bénéficier des aménités d'un centre-ville, sans que cette ville soit nécessairement de très grande taille, les maux associés aux métropoles étant bien connus: cherté de la vie, manque d'espace et de nature, pollution, congestion, stress etc. Il n'y a donc pas nécessairement de contradiction entre leur attirance pour les villes moyennes et celle qu'ils manifestent envers les centres-villes.
Reste une troisième idée préconçue dont l'étude révèle les limites: alors que le débat public fait régulièrement état d'une "fuite des cerveaux", c'est-à-dire d'un phénomène de départ des jeunes diplômés à l'étranger, près de sept étudiants français sur dix (69%) affirment qu'ils préfèreraient vivre en France qu'à l'étranger.
Des étudiants majoritaires à préférer la France, beaucoup moins accros au numérique qu'on le dit souvent et de plus en plus nombreux à être attirés par les villes moyennes... Conservatrice, la génération Y? Leur mode de vie idéal, en tout cas, diffère largement de celui que les media leur accolent volontiers. Ni les métropoles ni le quotidien à distance n'ont vraiment leurs faveurs, tandis que l'invasion numérique les interpelle voire les effraie. Autant de conclusions détonantes qui invitent à reconsidérer la légitimité du tout-numérique dans la vie et la ville de demain.
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Ce billet est également publié sur le portail en ligne de l'ESSEC.

mercredi 13 mai 2015

Des 15-25 ans expliquent leur obsession pour Snapchat et comment ils l'utilisent

L'application sociale au petit fantôme blanc est devenue la coqueluche des jeunes de 15-25 ans. Voici quelques pistes de réflexion sur les raisons de ce succès.
En février, Business Insider a réalisé un guide d'utilisation de Snapchat, une application plus subtile et complexe qu'il n'y paraît. Beaucoup de lecteurs ont voulu savoir pourquoi les gens, et en particulier les jeunes, utilisent réellement Snapchat. En août, Snapchat a été classé à la troisième place des applications sociales les plus populaires parmi les jeunes, devancé seulement par Facebook et Instagram.
Une vingtaine d'utilisateurs de l'application âgés de 18 à 26 ans ont été interviewés pour en apprendre un peu plus sur leurs habitudes. Une fois regroupées, les réponses se sont révélées étonnamment enrichissantes.
Comment avez-vous connu Snapchat ?
  • "Certains de mes amis utilisaient Snapchat, mais ce n'est que quand mon petit frère a commencé à en parler que je lui ai demandé de me montrer comment ça marchait. J'ai été attiré par l'interaction sociale que génère l'application et par son côté éphémère. J'aime l'idée que les données sur un réseau social soient à usage unique. Snapchat est au cœur de notre génération."
  • "Je crois que j'ai lu un article là-dessus ou alors c'est un ami qui m'en a parlé. Mais l'idée m'a tout de suite paru tellement sympa et j'ai voulu tester l'application immédiatement."
  • "Un ami qui vivait au même étage que moi a téléchargé l'application pour tout l'étage."
  • "Je vis dans une maison avec cinq garçons et l'un d'eux m'a raconté que je faisais partie des contacts Snapchat de chacun et j'ai dit "Quoi ?! Des images et des vidéos de moi sont en ligne et je ne suis pas au courant ?" Gros moment de panique. Et ensuite un autre de mes amis m'a dit que je devais absolument télécharger Snapchat parce que ses amis et lui-même étaient addicts. Alors, pour avoir une idée des vidéos qui tournaient sur moi et aussi parce que j'avais l'impression de rater quelque chose de cool, j'ai décidé de m'y mettre et finalement je trouve ça vraiment sympa (surtout au moment de mon anniversaire)."
"J'aime l'idée que les données sur un réseau social soient à usage unique. Snapchat est au cœur de notre génération."
Avez-vous beaucoup d'amis qui utilisent Snapchat ?
  • "Oh oui ! J'ai presque 100 amis sur Snapchat."
  • "Mes colocs et moi utilisons Snapchat carrément tous les jours."
  • "La plupart, si ce n'est tous. Je trouve ça bizarre quand une personne n'utilise pas Snapchat."
  • "Assez oui, mais comparé à Facebook, Twitter ou Instagram j'ai peu d'amis sur Snapchat. C'est sûrement à cause de la nature bilatérale de l'application. J'essaye de ne pas ajouter trop de personnes si je sais que je ne leur enverrai pas de messages personnalisés."

A quelle fréquence utilisez-vous Snapchat ?
  • "J'envoie des snaps au moins cinq fois par jour, mais j'ai un ami qui y passe beaucoup plus de temps Je peux en recevoir au moins 10 par jour."
  • "J'envoie au moins 20 snaps par semaine et quand je fais quelque chose de vraiment original, je peux créer une story vraiment sympa. Avec certains de mes amis on ne communique que par snaps, tous les jours, on s'envoie des nouvelles en vrac et des photos."
  • "2 à 5 fois par jour. Je l'utilise beaucoup les jours où je cuisine, j'envoie tout ce que je prépare sous forme d'émission culinaire."
  • "En général j'essaie d'envoyer un ou deux snaps par jour à des amis sélectionnés, et en même temps j'essaye de maintenir ma story à jour. Je me connecte quotidiennement mais je n'envoie pas de snaps tous les jours."

Quelles fonctionnalités utilisez-vous (envoi de photos, de vidéos, conversation, Snapcash) ?
  • "J'envoie des photos, des vidéos, je regarde les story et j'utilise le chat si quelqu'un m'envoie une photo ou une vidéo à laquelle je veux répondre. Je n'utiliserais jamais Snapcash. Snapchat a été piraté trop souvent pour que je considère Snapcash comme un outil fiable de transfert d'argent."
  • "Je regarde évidemment les images et les vidéos des autres, et parfois j'envoie des réponses via le chat aux personnes qui ont envoyé un Snap particulièrement intéressant. Par contre je n'utiliserais jamais Snapcash. Ça a l'air totalement rudimentaire."
"Avec certains de mes amis on ne communique que par snaps, tous les jours, on s'envoie des nouvelles en vrac et des photos."
  • "La plupart des snaps que j'envoie ce sont des photos, parfois des vidéos. Je n'utilise pas le chat parce que je préfère continuer la conversation par sms. Je n'utilise pas Snapcash, et je ne ferai JAMAIS confiance à cette fonctionnalité."
  • "La fonctionnalité que je préfère c'est "ma story" parce que ça retrace votre journée et vous permet de revoir les bons moments." 
  • "Photos et vidéos. Quand des personnes m'envoient des messages par Snapchat je me dis "Pourquoi ?" Et je ne vois pas l'intérêt de Snapcash alors que Venmo est super facile d'utilisation (la plupart de mes amis sont sur Venmo)."


Pourquoi utilisez-vous Snapchat ?
  • "J'aime bien partager des choses bizarres, des vidéos drôles d'amis, des photos avec une légende que j'envoie en story quand j'ai des nouvelles à partager ou des selfies moches. C'est quand vous recevez des selfies moches d'une personne que vous savez que vous êtes de bons amis."
  • "Je l'utilise uniquement pour les photos rigolotes ou pour montrer ce que je fais à mes amis, mais j'ai des contacts qui utilisent Snapchat à la place des sms. Un de mes amis envoie un bloc de couleur comme image et écrit dessus ce qu'il a envie de dire."
  • "Snapchat est l'outil social ultime : les utilisateurs veulent partager leur vie avec la personne de leur choix pour avoir un retour mais sans que tout soit stocké quelque part. Facebook vous permet de télécharger des images, mais qui a envie de voir 30 images et quelques vidéos d'un concert ou de vous en train de jouer avec votre chien ? En plus, personne ne veut garder ce genre de chose (même pas vous). Snapchat offre une réponse plus simple à la question Facebook "que faites-vous ?" Personnellement j'utilise Snapchat pour rester en contact avec mes amis et montrer aux autres ce que je fais. Je l'utilise pour presque tout sauf pour des sextos."

Considérez-vous Snapchat comme une application de sexting ?
  • "Je n'ai jamais entendu dire qu'un de mes amis utilisait Snapchat pour ça."
  • "Dire que Snapchat est fait pour le sexting, c'est comme dire que Facebook est fait pour les pokes. C'est juste une des interactions sociales possibles sur une grosse plateforme. C'était peut-être le cas quand Snapchat est sorti (et personnellement je ne connais personne qui ait envoyé un quelconque snap sexy) mais maintenant ça représente juste une petite part des interactions."
  • J'avoue avoir envoyé un ou deux snaps que je ne rangerais pas forcément dans la catégorie "sexting" mais plutôt dans la catégorie "photos suggestives" à mon copain de l'époque (c'était une relation longue et à distance) mais c'est loin d'être ma principale raison pour utiliser l'appli."
  • Je n'ai jamais songé à utiliser Snapchat pour du sexting et je dirais que ce n'est pas l'intérêt principal de la majorité des utilisateurs. Je n'enverrais aucun type de photos personnelles par Snap. Même si la photo disparaît après dix secondes il y a toujours un moyen de faire une capture d'écran, donc ça va à l'encontre du principe même de Snapchat. Donc non, pas d'autres utilités que de rester en contact avec les amis." 
Sur Snapchat, les données s'effacent une fois visionnées.© Snapchat
Pensez-vous que dans les prochaines années vous utiliserez Snapchat aussi souvent que maintenant ?
  • Je pense que j'utiliserai de plus en plus Snapchat parce qu'il y aura sans cesse des améliorations. C'est difficile de rendre compliqué une idée aussi simple."
  • "Bien sûr, il n'y a pas de raison pour arrêter. Snapchat fait partie de ma vie quotidienne maintenant."
  • "Je n'ai aucune idée de combien de temps Snapchat va être populaire. Quand j'ai commencé à l'utiliser je ne me suis pas projeté 3 ans en avant. J'imagine que ça va être comme Vine, qui était super populaire pendant un moment et puis qui a disparu des habitudes. Et puis d'autres applications vont apparaître et accaparer l'attention."
  • "Si tout le monde continue de l'utiliser comme maintenant, oui. Honnêtement, je n'imagine pas ne pas l'avoir aujourd'hui. Je m'amuse tellement à voir mes amis faire des choses folles. Snapchat est un moyen différent de voir le monde à travers les yeux des autres, que Facebook et Instagram n'offrent pas. Je ne sais pas du tout pourquoi. Ma meilleure amie habite sur une île, et j'adore ses Snaps parce que ça me permet de voir ce qu'elle voit tous les jours."
Pensez-vous que Snapchat soit utile pour les adultes ?
  • "Non. Une personne de plus de 35 ans enregistrée sur Snapchat l'est aussi sûrement sur Family Watchdog (site américain qui recense les personnes condamnées pour des crimes sexuels, ndlr)."
  • "J'utilise Snapchat avec ma mère, c'est très drôle parce qu'elle n'y connaît rien en technologie. Ses selfies sont ridicules. Ce sont principalement des ados âgés qui l'utilisent, ceux qui ont vingt ans et quelques. Beaucoup de personnes l'utilisent pour montrer ce qu'ils ont prévu pour le week-end et d'autres trucs."
  • "Je n'irais pas jusqu'à dire que ça leur est utile. C'est un peu comme les jeux sur téléphone. C'est sympa mais pas nécessaire. Et tout le monde peut l'utiliser ; ça dépend de comment on veut occuper son temps libre. Je sais que mes parents n'utiliseront jamais Snapchat, et je ne pense pas non plus que mon frère de 20 ans l'utiliserait parce que ce n'est pas son truc. Ses amis non plus ne l'utilisent pas. S'ils commençaient à s'y mettre, peut-être que mon frère les suivrait. Je pense que le cercle de proches a un impact important sur le fait d'utiliser l'application ou non."
  • "C'est de la communication visuelle rapide. Je me vois bien aider ma mère avec son ordinateur en lui envoyant des Snaps. Par exemple en prenant des photos des boutons sur lesquels elle doit appuyer plutôt que de les lui décrire."
  • "Uniquement pour les gens assez doués en informatique qui peuvent comprendre Snapchat sans le prendre au sérieux."
Accepteriez-vous de payer pour utiliser Snapchat ?
  • "Ça dépend de la somme, mais si l'appli coûtait moins de 3$ oui, je l'achèterais probablement. Ça dépendrait aussi de mes amis. Si aucun ne l'achète et que je n'ai personne à qui envoyer des Snaps ça n'a aucun intérêt !"
  • "Absolument pas ! Je pense que l'intérêt de beaucoup d'applis "sociales" c'est qu'elles sont gratuites. Payer pour un service qui permet d'envoyer des photos, des vidéos et des messages, ça semble ridicule."
  • "Je suis jeune. Je ne paierai pour rien. Ils n'ont qu'à ajouter plus de pubs, ou ce genre de chose."
  • "J'espère vraiment ne jamais avoir à payer pour Snapchat mais honnêtement, je le ferai si tout le monde le faisait et que le prix était raisonnable."
"J'espère vraiment ne jamais avoir à payer pour Snapchat mais honnêtement, je le ferai si tout le monde le faisait et que le prix était raisonnable."
Voulez-vous ajouter quelque chose ?
  • "Est-ce que je vous ai dit que j'adorais Snap Art ?? C'est peut-être bien ce que je préfère dans Snapchat. Ce qui me plaît aussi, c'est que le but d'un Snap ce soit d'être naturel. Il n'y a pas vraiment de moyen de le modifier. C'est comme un morceau de vie, et je pense que c'est vraiment unique et intéressant. C'est aussi intéressant de savoir qu'un snap est fait pour être vu une seule fois et qu'il vous a été spécialement envoyé par un ami. Snapchat, c'est top !" [voici quelques exemples de Snap Art].
  • "Je pense qu'il y a beaucoup de garçons sur Snapchat qui sont à la recherche de photos de filles. J'ai compris ça parce que je recevais des messages de garçons qui voulaient des photos. En fait, dans la partie "qui peut vous envoyer des Snaps", la case "tout le monde" était cochée. J'ai rapidement modifié ça. Je suis sûre que beaucoup d'autres filles reçoivent ce genre de demande."
  • "Snapchat est entré dans une niche parce que l'application répond aux besoins d'une génération que même ses créateurs n'avaient pas compris. Ce n'est pas que l'interface utilisateur soit compliquée, c'est qu'elle n'existe même pas. Les créateurs émettent des hypothèses sur les utilisateurs de Snapchat et ne se soucient pas d'exclure toute une génération."
Article de Maya Kosoff. Traduction par Manon Franconville, JDN.

mercredi 6 mai 2015

Ados : le partage du rien sur Internet



Photos d'une banalité confondante, vidéos sans intérêt... Pour meubler le vide, les jeunes produisent sur les réseaux sociaux un flot de néant qui a déjà un nom : le « borecore ».



image: http://s2.lemde.fr/image/2015/04/28/534x0/4624354_6_56ed_certains-services-de-live-streaming-permettent_3d62e6390c46636ecf43704c955664fb.jpg
Certains services de live streaming permettent à des jeunes qui s'ennuient de voir ce qui se passe dans la vie d'autres jeunes qui s'ennuient.

Les parents s'inquiètent souvent de la façon dont les ados peuvent montrer leurs corps sur les réseaux sociaux. Mais le plus caractéristique de l'adolescence n'est-il pas la mise en scène du rien ? Sur Instagram, on trouve ainsi de nombreuses perles : une vidéo d'une éponge nettoyant un lavabo, des photos d'un placard à chaussures... Sur Internet, le gros de ce que postent les gens en général, et les ados en particulier, n'est ni titillant sexuellement, ni drôle, ni offensant.

Dans le New York Times Magazine, Jenna Wortham a récemment trouvé un nom à ce flot de rien : le « borecore ». De l'ennui pur. A peine l'acte de naissance du « normcore » déposé, lui a-t-on déjà trouvé un successeur. De l'esthétique de la normalité à celle de l'ennui, on peut toujours faire confiance à la fabrique à concepts américaine.

Pour s'en faire une idée, il suffit de taper « Je me fais iech » sur Twitter ou aller sur les nouveaux services de « live streaming » qui font défiler les contenus postés par l'ensemble des utilisateurs et permettent à des gens qui s'ennuient de voir ce qui se passe dans la vie d'autres gens qui s'ennuient. Sur le site Younow, le cinquième sujet tendance (après « guys », « girls », « music », « dance »), c'est « bored » (qui s'ennuie). Sur VPeeker, où défilent des vidéos mises en ligne sur Vine, vous serez frappés par le nombre d'ados qui filment... leur télévision.

LE ROBINET À « BORECORE »

L'abondance de borecore, du rien produit et partagé dans l'indifférence générale, est le problème d'une époque où on a presque toujours sous la main un téléphone équipé d'une caméra mais pas forcément un chaton qui joue du piano à filmer.
Evidemment, les adolescents n'ont pas attendu les nouvelles technologies pour documenter leur désœuvrement. On doit pouvoir trouver quelques hectares de couvertures de cahiers de texte décorées, sans compter des années de journaux intimes et de blogs lus de leurs seuls auteurs. 
Et la vidéo n'a pas non plus attendu les ados pour raconter l'ennui. En 1963, Sleep, d'Andy Warhol montrait un homme qui dort pendant cinq heures et vingt minutes. Dans les années 1990, des producteurs avaient déjà commercialisé des vidéos de feux de cheminée ou de poulets tournant sur une rôtissoire. Le robinet à borecore, c'est le croisement des deux possibilités.
Pour la sociologie Joëlle Menrath, “allumer son ordinateur est un geste désormais équivalent à allumer la lumière de sa chambre”.
Pourquoi les jeunes ne s'ennuieraient-ils pas aussi en ligne ? « On se figure communément le rapport que les ados entretiennent avec le numérique comme une relation euphorique placée sous le signe d'un engouement toujours renouvelé. 

Avec le numérique, on a d'avantage d'outils, de formats, de registres pour vivre l'ennui et l'exprimer », note Joëlle Menrath, qui a conduit en 2014 des entretiens avec 25 adolescents de milieux sociaux et géographiques différents. « Les ados connectés s'ennuient avec leurs outils numériques, comme ils peuvent s'ennuyer à l'école, ou avec leurs parents. C'est troublant pour les adultes qui ont un rapport plus attentif aux écrans.
 », observe-t-elle. « La lassitude, le trop-plein, l'inintérêt ou encore la disqualification des contenus et des services dont ils font pourtant couramment usage tiennent une large part dans leur discours. Ils sont "gavés", "saoulés", ne leur trouvent "aucun intérêt" et font "ça comme ça, parce que y a rien d'autre". »

Peut-être faut-il regarder la vidéo du lavabo ou les photos du placard à chaussures comme on faisait auparavant des petites fresques gribouillées sur un carnet à petits carreaux pendant un coup de téléphone. Comme l'écrit Joëlle Menrath dans son étude : « Allumer son ordinateur est un geste désormais équivalent à allumer la lumière de sa chambre. L'ambiance est modifiée, mais la lampe n'occupe pas pour autant le centre de l'attention. »
La prochaine fois que vous tombez sur la photo d'un paquet de cigarettes sur Instagram, relisez cette lettre dénichée par Joëlle Menrath d'un Gustave Flaubert de 17 ans à un de ses amis : « Si je t'écris maintenant, mon cher Ernest, ne mets pas cela sur le compte de l'amitié, mais plutôt sur celui de l'ennui... »

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Sources : Guillemette Faure 
Chroniqueur M le Magazine